Coup d’oeil sur… l’art des icônes

Est-ce pour cela que le visage de la divinité, mille fois décliné, porte en ses traits toute une histoire intériorisée par l’apôtre, ce mélange de tendresse et de tristesse qui ne cesse de nous interpeller ? Marie, réécrite par un proche, renfermerait comme en direct la grandeur de la mère de Dieu, et la douleur poignante de l’histoire du salut. Cela expliquerait aussi l’aspect, selon nous répétitif, d’une esthétique qui relève davantage de l’éternité que du temps.

Au moment où notre art chrétien, chahuté à tous vents, comme sans points de repère et sans modèle, fournit d’extravagantes productions — la célèbre affaire du Christ d’Avignon n’est qu’un exemple de dégénérescence du Beau — la modernité ne nous séduit plus.

L’art des icônes, dès lors, peut nous attirer, briser par sa sacralité des préjugés que nous n’osons enfreindre. Sans le dire bien des chrétiens pensent que certains artistes ne font qu’exploiter sous couvert de nouveauté, les fragments d’un christianisme qui devient sous leurs mains manipulable à merci.

Les icônes, objet de conflit

Les représentations sacrées et les objets de culte sont, de manière récurrente, la cible d’opposants farouches à leur existence même : on détruit, on saccage, on abîme sans aucun souci de l’art ou du beau.

Loin dans le temps, sous le règne du pharaon Akhenaton (XVIIIème dynastie), l’Égypte connut cela : les bas-reliefs des opposants polythéistes, martelés, effacés aux pylônes des temples.

De discordes en discordes, de haine en haine, bien plus tard, dans nos pays : guerres de religion, révolution française ; autant de destructions sommaires qui laissèrent béantes les niches des saints de nos églises, après mutilation définitive des statues de la Vierge ou du Christ.

Une effigie du Christ défiguréeEntre ces deux événements, au VIIIème siècle, l’iconoclasme byzantin semble relever d’une causalité d’autant plus étonnante qu’elle serait issue d’un désaccord essentiellement THÉOLOGIQUE. « Iconoclasme » : mot aujourd’hui à peu près inconnu, sinon dans le langage fleuri du capitaine Haddock, qui signifie en grec (klastein) : détruire, casser. On donna ordre donc, d’anéantir les images sacrées. Elles se comptaient par milliers et le peuple leur attribuait parfois un pouvoir magique. Était surtout en cause une interprétation littérale du 1er Commandement. La Loi vétéro-testamentaire exigeait du peuple élu une ascèse des représentations. Finis, le veau d’or et les multiples idoles, fruits d’un imaginaire foisonnant :

« Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne feras aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux ». (Exode 20,18)

Dieu a parlé.

Mais… il s’est incarné sous la forme d’un homme, Jésus. Dés lors, avec le prologue de St Jean, il est légitime de rechercher son visage. Aux artistes de nous le faire approcher — Ressemblance ! L’on comprend bien le noeud des dissensions possibles ; et qu’il y ait eu des iconoclastes-briseurs-d’images, face à des iconodules, qui les vénéraient d’autant plus ! Une étincelle, dira-t’on, insignifiante au départ, comme toutes celles qui enflammèrent la chrétienté…

Il ne fallut pas moins d’un siècle de désaccords, de concile en concile, sans compter des martyrs, pour régler la querelle. L’histoire se répète sous une autre forme : après 70 ans d’un nouveau vandalisme, communiste cette fois, nous pouvons désormais admirer l’art des icônes, souvent resplendissantes grâce aux inlassables travaux de restauration.

Annick Rousseau

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